• Extrait du livre d'Allan Kardec - Le ciel et l'enfer

    Extrait du livre d'Allan Kardec - Le ciel et l'enfer

     


    CHAPITRE II  
    -  
    ESPRITS HEUREUX.

    M. Sanson, ancien membre de la Société spirite de Paris, est mort le 21 avril 1862, après une année de cruelles souffrances. En prévision de sa fin, il avait adressé au président de la Société, une lettre contenant le passage suivant :

    «En cas de surprise par la désagrégation de mon âme et de mon corps, j'ai l'honneur de vous rappeler une prière que je vous ai déjà faite il y a environ  un  an :  c'est  d'évoquer  mon  Esprit  le  plus  immédiatement possible  et  le  plus  souvent  que  vous  le  jugerez  à  propos,  afin  que, membre assez inutile de notre Société durant ma présence sur terre, je puisse lui servir à quelque chose outre-tombe, en lui donnant les moyens d'étudier  phase  par  phase,  dans  ces  évocations,  les  diverses circonstances qui suivent ce que le vulgaire appelle la mort, mais qui, pour  nous  spirites,  n'est  qu'une  transformation,  selon  les  vues impénétrables de Dieu, mais toujours utile au but qu'il se propose.

    «Outre cette autorisation et prière de me faire l'honneur de cette sorte d'autopsie  spirituelle,  que  mon  trop  peu d'avancement  comme  Esprit rendra  peut-être  stérile,  auquel  cas  votre  sagesse  vous  portera naturellement à ne pas pousser plus loin qu'un certain nombre d'essais, j'ose vous prier personnellement, ainsi que tous mes collègues, de bien vouloir  supplier  le  Tout-Puissant  de  permettre  aux  bons  Esprits  de m'assister  de  leurs  conseils  bienveillants,  saint  Louis,  notre  président spirituel  en  particulier,  à  l'effet  de  me  guider  dans  le  choix  et  sur l'époque  d'une réincarnation ;  car,  dès  à  présent,  ceci  m'occupe beaucoup ; je tremble de me tromper sur mes forces spirituelles, et de demander  à  Dieu,  et  trop  tôt,  et  trop  présomptueusement,  un  état corporel dans lequel je ne pourrais justifier la bonté divine, ce qui, au lieu de servir à m'avancer, prolongerait ma station sur terre ou ailleurs, dans le cas où j'échouerais.»

    Pour  nous  conformer  à  son  désir  d'être  évoqué  le  plus  tôt  possible après son décès, nous nous sommes rendus à la maison mortuaire avec quelques  membres  de  la  Société,  et,  en  présence  du  corps,  l'entretien suivant a eu lieu une heure avant l'inhumation. Nous avions en cela un double but, celui d'accomplir une dernière volonté, et celui d'observer une fois de plus la situation de l'âme à un moment si rapproché de la mort,  et  cela  chez  un  homme  éminemment  intelligent  et  éclairé,  et profondément  pénétré  des  vérités  spirites ;  nous  tenions  à  constater l'influence  de  ces  croyances  sur  l'état  de  l'Esprit,  afin  de  saisir  ses premières impressions. Notre attente n'a pas été trompée ; M. Sanson a décrit  avec  une  parfaite  lucidité  l'instant  de  la  transition ;  il  s'est  vu mourir  et  s'est  vu  renaître,  circonstance  peu  commune  et  qui  tenait  à l'élévation de son Esprit.


    (Chambre mortuaire, 23 avril 1862.)

    1. Evocation.

    Je viens à votre appel pour remplir ma promesse.

    2.  Mon  cher  monsieur  Sanson,  nous  nous  faisons  un  devoir  et  un plaisir de vous évoquer le plus tôt possible après votre mort, ainsi que vous l'avez désiré.

    C'est une grâce spéciale de Dieu qui permet à mon  Esprit  de  pouvoir  se  communiquer ;  je  vous  remercie  de  votre bonne volonté ; mais je suis faible et je tremble.


    3. Vous étiez si souffrant que nous pouvons, je pense, vous demander comment vous vous portez maintenant. Vous ressentez-vous encore de vos  douleurs ?  quelle  sensation  éprouvez-vous  en  comparant  votre situation présente à celle d'il y a deux jours ?

    Ma position est bien heureuse, car je ne ressens plus rien de mes anciennes douleurs ; je suis régénéré et réparé à neuf, comme vous dites chez vous. La transition de la  vie  terrestre  à  la  vie  des  Esprits  m'avait  d'abord  tout  rendu incompréhensible,  car  nous  restons  quelquefois  plusieurs  jours  sans recouvrer  notre  lucidité ;  mais,  avant  de  mourir,  j'ai  fait  une  prière  à Dieu pour lui demander de pouvoir parler à ceux que j'aime, et Dieu m'a écouté.


    4. Au bout de combien de temps avez-vous recouvré la lucidité de vos idées ?

    Au  bout  de  huit  heures ;  Dieu,  je  vous  le  répète,  m'avait donné  une  marque  de  sa  bonté ;  il  m'avait  jugé  assez  digne,  et  je  ne saurais jamais assez le remercier.


    5. Etes-vous bien certain de n'être plus de notre monde, et à quoi le constatez-vous ?

    Oh ! certes, non, je ne suis plus de votre monde ; mais je serai toujours près de vous pour vous protéger et vous soutenir,
    afin de prêcher la charité et l'abnégation qui furent les guides de ma vie ; et  puis,  j'enseignerai  la  foi  vraie,  la  foi  spirite,  qui  doit  relever  la croyance du juste et du bon ; je suis fort et très fort, transformé en un mot ;  vous  ne  reconnaîtriez  plus  le  vieillard  infirme  qui  devait  tout oublier en laissant loin de lui tout plaisir, toute joie. Je suis Esprit ; ma patrie c'est l'espace, et mon avenir, Dieu, qui rayonne dans l'immensité. Je voudrais bien pouvoir parler à mes enfants, car je leur enseignerais ce qu'ils ont toujours eu la mauvaise volonté de ne pas croire.


    6. Quel effet vous fait éprouver la vue de votre corps, ici à côté ?


    Mon corps, pauvre et infime dépouille, tu dois aller à la poussière, et moi je garde le bon souvenir de tous ceux qui m'estimaient. Je regarde cette  pauvre  chair  déformée,  demeure  de  mon  Esprit,  épreuve  de  tant d'années !  Merci,  mon  pauvre  corps !  tu  as  purifié  mon  Esprit,  et  la souffrance dix fois sainte m'a donné une place bien méritée, puisque je trouve tout de suite la faculté de vous parler.


    7. Avez-vous conservé vos idées jusqu'au dernier moment ?

    Oui, mon  Esprit  a  conservé  ses  facultés ;  je  ne  voyais  plus,  mais  je pressentais ;  toute  ma  vie  s'est  déroulée  devant  mon  souvenir,  et  ma dernière pensée, ma dernière prière a été de pouvoir vous parler, ce que je fais ; et puis j'ai demandé à Dieu, de vous protéger, afin que le rêve de ma vie fût accompli.


    8.  Avez-vous  eu  conscience  du  moment  où  votre  corps  a  rendu  le dernier  soupir ?  que  s'est-il  passé  en  vous  à  ce  moment ?  quelle sensation avez-vous éprouvée ?

    La vie se brise et la vue, ou plutôt la vue de l'Esprit s'éteint ; on trouve le vide, l'inconnu, et, emporté par je ne  sais  quel  prestige,  on  se  trouve  dans  un  monde  où  tout  est  joie  et grandeur. Je ne sentais plus, je ne me rendais pas compte, et pourtant un bonheur  ineffable  me  remplissait ;  je  ne  sentais  plus  l'étreinte  de  la douleur.

    9. Avez-vous connaissance... (de ce que je propose de lire sur votre tombe ?)


    Les premiers mots de la question étaient à peine prononcés, que l'Esprit répond avant  de  le  laisser  achever.  Il  répond  de  plus,  et  sans  question  proposée,  à  une discussion  qui  s'était  élevée  entre  les  assistants,  sur  l'opportunité  de  lire  cette communication  au  cimetière,  en  raison  des  personnes  qui  pourraient  ou  ne pourraient pas partager ces opinions.
    Oh !  mon  ami,  je  le  sais,  car  je  vous  ai  vu  hier,  et  je  vous  vois aujourd'hui ; ma satisfaction est bien grande !... Merci ! merci ! Parlez, afin qu'on me comprenne et qu'on vous estime ; ne craignez rien, car on respecte  la  mort ;  parlez  donc,  afin  que  les  incrédules  aient  la  foi. Adieu ; parlez ; courage, confiance, et puissent mes enfants se convertir
    à une croyance révérée !

    Pendant la cérémonie du cimetière, il dicta les paroles suivantes :


    Que la mort ne vous épouvante pas, mes amis ; elle est une étape pour vous,  si  vous  avez  su  bien  vivre ;  elle  est  un  bonheur,  si  vous  avez mérité  dignement  et  bien  accompli  vos  épreuves.  Je  vous  répète : Courage et bonne volonté ! N'attachez qu'un prix médiocre aux biens de la terre, et vous serez récompensés ; on ne peut jouir trop, sans enlever au bien-être des autres, et sans se faire moralement un mal immense. Que la terre me soit légère !

    (Société spirite de Paris, 25 avril 1862.)

    1. Evocation.

    Mes amis, je suis près de vous.

    2. Nous sommes bien heureux de l'entretien que nous avons eu avec vous  le  jour  de  votre  enterrement,  et  puisque  vous  le  permettez,  nous serons charmés de le compléter pour notre instruction.

    Je suis tout préparé, heureux que vous pensiez à moi.

    3. Tout ce qui peut nous éclairer sur l'état du monde invisible et nous le  faire  comprendre  est  d'un  haut  enseignement,  parce  que  c'est  l'idée fausse que l'on s'en fait qui conduit le plus souvent à l'incrédulité. Ne soyez donc pas surpris des questions que nous pourrons vous adresser.

    Je n'en serai point étonné, et je m'attends à vos questions.


    4. Vous avez décrit avec une lumineuse clarté le passage de la vie à la mort ; vous avez dit qu'au moment où le corps rend le dernier soupir, la vie  se  brise,  et  que  la  vue  de  l'Esprit  s'éteint.  Ce  moment  est-il accompagné d'une sensation pénible, douloureuse ?

    Sans doute, car la vie est une suite continuelle de douleurs, et la mort est le complément de toutes les douleurs ; de là un déchirement violent, comme si l'Esprit avait  à  faire  un  effort  surhumain  pour  s'échapper  de  son  enveloppe  et c'est  cet  effort  qui  absorbe  tout  notre  être  et  lui  fait  perdre  la connaissance de ce qu'il devient.
    Ce cas n'est point général. L'expérience prouve que beaucoup d'Esprits perdent connaissance avant d'expirer, et que chez ceux qui sont arrivés à un certain degré de dématérialisation, la séparation s'opère sans efforts.


    5.  Savez-vous  s'il  y  a  des  Esprits  pour  lesquels  ce  moment  est  plus douloureux ? Est-il plus pénible, par exemple, pour le matérialiste, pour celui qui croit que tout finit à ce moment pour lui ?

    Cela est certain, car  l'Esprit  préparé  a  déjà  oublié  la  souffrance,  ou  plutôt  il  en  a l'habitude,  et  la  quiétude  avec  laquelle  il  voit  la  mort  l'empêche  de souffrir doublement, parce qu'il sait ce qui l'attend. La peine morale est la plus forte, et son absence à l'instant de la mort, est un allégement bien grand.  Celui  qui  ne  croit  pas  ressemble  à  ce  condamné  à  la  peine capitale et dont la pensée voit le couteau et l'inconnu. Il y a similitude entre cette mort et celle de l'athée.


    6. Y a-t-il des matérialistes assez endurcis pour croire sérieusement, à ce moment suprême, qu'ils vont être plongés dans le néant ?

    Sans doute, jusqu'à la dernière heure il y en a qui croient au néant ; mais, au moment de la séparation, l'Esprit a un retour profond ; le doute s'empare de lui et le torture, car il se demande ce qu'il va devenir ; il veut saisir quelque  chose  et  ne  le  peut.  La  séparation  ne  peut  se  faire  sans  cette impression.

    Un  Esprit  nous  a  donné,  dans  une  autre  circonstance,  le  tableau suivant de la fin de l'incrédule.

    «L'incrédule  endurci  éprouve  dans  les  derniers  moments  les  angoisses  de  ces cauchemars terribles où l'on se voit au bord d'un précipice, près de tomber dans le gouffre ;  on  fait  d'inutiles  efforts  pour  fuir,  et  l'on  ne  peut  marcher ;  on  veut s'accrocher à quelque chose, saisir un point d'appui, et l'on se sent glisser ; on veut appeler et l'on ne peut articuler aucun non ; c'est alors qu'on voit le moribond se tordre,  se  crisper  les  mains,  et  pousser  des  cris  étouffés,  signes  certains  du cauchemar auquel il est en proie. Dans le cauchemar ordinaire, le réveil vous tire l'inquiétude, et vous vous sentez heureux de reconnaître que vous n'avez fait qu'un rêve ;  mais  le  cauchemar  de  la  mort  se  prolonge  souvent  bien  longtemps,  des années  même,  au-delà  du  trépas,  et  ce  qui  rend la sensation encore plus pénible pour l'Esprit, ce sont les ténèbres où il est quelquefois plongé.»


    7. Vous avez dit qu'au moment de mourir vous ne voyiez plus, mais que  vous  pressentiez.  Vous  ne  voyiez  plus  corporellement,  cela  se comprend ; mais, avant que la vie ne fût éteinte, entrevoyiez-vous déjà la clarté du monde des Esprits ?

    C'est ce que j'ai dit précédemment : l'instant de la mort rend la clairvoyance à l'Esprit ; les yeux ne voient plus,  mais  l'Esprit,  qui  possède  une  vue  bien  plus  profonde,  découvre instantanément  un  monde  inconnu,  et  la  vérité  lui  apparaissant subitement, lui donne, momentanément il est vrai, ou une joie profonde, ou une peine inexprimable, suivant l'état de sa conscience et le souvenir de sa vie passée.

    Il est question de l'instant qui précède celui où l'Esprit perd connaissance, ce qui explique l'emploi du mot momentanément, car les mêmes impressions agréables ou pénibles se poursuivent au réveil.


    8. Veuillez nous dire ce qui, à l'instant où vos yeux se sont rouverts à la lumière, vous a frappé, ce que vous avez vu. Veuillez nous dépeindre, si  c'est  possible,  l'aspect  des  choses  qui  se  sont  offertes  à  vous.

    Lorsque  j'ai  pu  revenir  à  moi,  et  voir  ce  que  j'avais  devant  les  yeux, j'étais comme ébloui, et je ne me rendais pas bien compte, car la lucidité ne  revient  pas  instantanément.  Mais  Dieu,  qui  m'a  donné  une  marque profonde de sa bonté, a permis que je recouvrasse mes facultés. Je me suis  vu  entouré  de  nombreux  et  fidèles  amis.  Tous  les  Esprits protecteurs qui viennent nous assister, m'entouraient et me souriaient ; un bonheur sans égal les animait, et moi-même, fort et bien portant, je pouvais, sans efforts, me transporter à travers l'espace. Ce que j'ai vu n'a pas de nom dans les langues humaines. Je  viendrai,  du  reste,  vous  parler  plus  amplement  de  tous  mes bonheurs, sans dépasser pourtant la limite que Dieu exige. Sachez que le bonheur,  tel  que  vous  l'entendez  chez  vous,  est  une  fiction.  Vivez
    sagement, saintement, dans l'esprit de charité et d'amour, et vous vous serez préparé des impressions que vos plus grands poètes ne sauraient décrire.


    Les contes de fées sont sans doute pleins de choses absurdes ; main ne seraient-ils  pas,  dans  quelques  points,  la  peinture  de  ce  qui  se  passe  dans  le  monde  des Esprits ?  Le  récit  de  M.  Sanson  ne  ressemble-t-il  pas  à  celui  d'un  homme  qui, endormi  dans  une  pauvre  et  obscure  cabane,  se  réveillerait  dans  un  palais splendide, au milieu d'une cour brillante ?

    9.  Sous  quel  aspect  les  Esprits  se  sont-ils  présentés  à  vous ?  Est-ce sous  celui  de  la  forme  humaine ?

    Oui,  mon  cher  ami,  les  Esprits nous  avaient  appris  sur  terre  qu'ils  conservaient  dans  l'autre  monde  la forme  transitoire  qu'ils  avaient  eue  sur  terre,  et  c'est  la  vérité.  Mais quelle  différence  entre  la  machine  informe  qui  se  traîne  péniblement avec  son  cortège  d'épreuves,  et  la  fluidité  merveilleuse  du  corps  des Esprits !  La  laideur  n'existe  plus,  car  les  traits  ont  perdu  la  dureté d'expression qui forme le caractère distinctif de la race humaine. Dieu a béatifié  tous  ces  corps  gracieux,  qui  se  meuvent  avec  toutes  les élégances de la forme ; le langage a des intonations intraduisibles pour vous, et le regard a la profondeur d'une étoile. Tâchez, par la pensée, de voir ce que Dieu peut faire dans sa toute-puissance, lui l'architecte des architectes,  et  vous  vous  serez  fait  une  faible  idée  de  la  forme  des Esprits.


    10. Pour vous, comment vous voyez-vous ? Vous reconnaissez-vous une  forme  limitée,  circonscrite,  quoique  fluidique ?  Vous  sentez-vous une tête, un tronc, des bras, des jambes ?

    L'Esprit, ayant conservé sa forme  humaine,  mais  divinisée,  idéalisée,  a  sans  contredit  tous  les membres dont vous parlez. Je me sens parfaitement des jambes et des doigts,  car  nous  pouvons,  par  notre  volonté,  vous  apparaître  ou  vous presser les mains. Je suis près de vous et j'ai serré la main de tous mes amis,  sans  qu'ils  en  aient  eu  la  conscience ;  notre  fluidité  peut  être partout  sans  gêner  l'espace,  sans  donner  aucune  sensation,  si  cela  est notre  désir.  En  ce  moment,  vous  avez  les  mains  croisées  et  j'ai  les miennes dans les vôtres. Je vous dis : je vous aime, mais mon corps ne tient pas de place, la lumière le traverse, et ce que vous appelleriez un miracle, s'il était visible, est pour les Esprits l'action continuelle de tous les instants.


    La vue des Esprits n'a pas de rapport avec la vue humaine, de même que leur corps n'a pas de ressemblance réelle, car tout est changé dans l'ensemble  et  le  fond.  L'Esprit,  je  vous  le  répète,  a  une  perspicacité divine  qui  s'étend  à  tout,  puisqu'il  peut  deviner  même  votre  pensée ; aussi peut-il à propos, prendre la forme qui peut le mieux le rappeler à vos  souvenirs.  Mais,  dans  le  fait,  l'Esprit  supérieur  qui  a  fini  ses épreuves, aime la forme qui a pu le conduire près de Dieu.


    11.  Les  Esprits  n'ont  pas  de  sexe ;  cependant,  comme  il  y  a  peu  de jours encore que vous étiez homme, tenez-vous dans votre nouvel état plutôt de la nature masculine que de la nature féminine ? En est-il de même  d'un  Esprit  qui  aurait  quitté  son  corps  depuis  longtemps ?

    Nous ne tenons pas à être de nature masculine ou féminine : les Esprits ne se reproduisent pas. Dieu les crée à sa volonté, et si, pour ses vues merveilleuses, il a voulu que les Esprits se réincarnent sur terre, il a dû ajouter la reproduction des espèces par le mâle et la femelle. Mais, vous le sentez, sans qu'il soit nécessaire d'aucune explication, les Esprits ne peuvent avoir de sexe.
    Il  a  toujours  été  dit  que  les  Esprits  n'ont  pas  de  sexe ;  les  sexes  ne  sont nécessaires que pour la reproduction des corps ; car les Esprits ne se reproduisant pas, les sexes seraient pour eux inutiles. Notre question n'avait point pour but de constater le fait, mais en raison de la mort récente de M. Sanson, nous voulions savoir  s'il  lui  restait  une  impression  de  son  état  terrestre.  Les  Esprits  épurés  se rendent parfaitement compte de leur nature, mais parmi les Esprits inférieurs, non dématérialisés, il en est beaucoup qui se croient encore ce qu'ils étaient sur la terre, et conservent les mêmes passions et les mêmes désirs ; ceux-là se croient encore hommes ou femmes, et voilà pourquoi il y en a qui ont dit que les Esprits ont des sexes. C'est ainsi que certaines contradictions proviennent de l'état plus ou moins avancé des Esprits qui se communiquent ; le tort n'en est pas aux Esprits, mais à ceux qui les interrogent et ne se donnent pas la peine d'approfondir les questions.


    12. Quel aspect vous présente la séance ? Est-elle pour votre nouvelle vue ce qu'elle vous paraissait de votre vivant ? Les personnes ont-elles pour vous la même apparence ? Tout est-il aussi clair, aussi net ?

    Bien plus clair, car je puis lire dans la pensée de tous, et je suis bien heureux, allez ! de la bonne impression que me laisse la bonne volonté de tous les Esprits assemblés. Je désire que la même entente puisse se faire non seulement à Paris, par la réunion de tous groupes, mais aussi dans toute la France, où des groupes se séparent et se jalousent, poussés par  des  Esprits  brouillons  qui  se  plaisent  au  désordre,  tandis  que  le Spiritisme doit être l'outil complet, absolu du moi.


    13. Vous dites que vous lisez dans notre pensée ; pourriez-vous nous faire comprendre comment s'opère cette transmission de pensée ?

    Cela n'est pas facile ; pour vous dire, vous expliquer ce prodige singulier de  la  vue  des  Esprits,  il  faudrait  vous  ouvrir  tout  un  arsenal  d'agents nouveaux, et vous seriez aussi savants que nous, ce qui ne se peut pas, puisque  vos  facultés  sont  bornées  par  la  matière.  Patience !  devenez bons,  et  vous  y  arriverez ;  vous  n'avez  actuellement  que  ce  que  Dieu vous accorde, mais avec l'espérance de progresser continuellement ; plus tard vous serez comme nous. Tâchez donc de bien mourir pour savoir beaucoup. La curiosité, qui est le stimulant de l'homme pensant, vous conduit tranquillement jusqu'à la mort, en vous réservant la satisfaction de  toutes  vos  curiosités  passées,  présentes  et  futures.  En  attendant,  je vous dirai, pour répondre tant bien que mal à votre question : L'air qui vous  entoure,  impalpable  comme  nous,  emporte  le  caractère  de  votre pensée ; le souffle que vous exhalez est, pour ainsi dire, la page écrite de vos  pensées ;  elles  sont  lues,  commentées  par  les  Esprits  qui  vous heurtent sans cesse ; ils sont les messagers d'une télégraphie divine à qui rien n'échappe.


    A la suite de la première évocation de M. Sanson, faite à la Société de Paris, un Esprit donna, sous ce titre, la communication suivante : La mort de l'homme dont vous vous occupez en ce moment a été celle du juste ; c'est-à-dire accompagnée de calme et d'espérance. Comme le jour succède naturellement à l'aube, la vie spirite a succédé pour lui à la
    vie terrestre, sans secousse, sans déchirement, et son dernier soupir s'est exhalé  dans  un  hymne  de  reconnaissance  et  d'amour.  Combien  peu traversent ainsi ce rude passage ! Combien peu, après les ivresses et les désespoirs  de  la  vie,  conçoivent  le  rythme  harmonieux  des  sphères !


    Ainsi que l'homme bien portant, mutilé par une balle, souffre encore des membres dont il est séparé, ainsi l'âme de l'homme qui meurt sans foi et sans espérance, se déchire et palpite en s'échappant du corps, et en se lançant, inconsciente d'elle-même, dans l'espace.
    Priez  pour  ces  âmes  troublées ;  priez  pour  tout  ce  qui  souffre ;  la charité  n'est  pas  restreinte  dans  l'humanité  visible :  elle  secourt  et console aussi les êtres qui peuplent l'espace. Vous en avez eu la preuve touchante par la conversion si subite de cet Esprit attendri par les prières spirites  faites  sur  la  tombe  de  l'homme  de  bien,  que  vous  devez interroger,  et  qui  désire  vous  faire  progresser  dans  la  sainte  voie.
    L'amour n'a pas de limites ; il remplit l'espace, donnant et recevant tour à tour ses divines consolations. La mer se déroule dans une perspective infinie ; sa limite dernière semble se confondre avec le ciel, et l'Esprit est ébloui du magnifique spectacle de ces deux grandeurs. Ainsi l'amour, plus profond que les flots, plus infini que l'espace, doit vous réunir tous, vivants  et  Esprits,  dans  la  même  communion  de  charité,  et  opérer l'admirable fusion de ce qui est fini et de ce qui est éternel.
    GEORGES.


    « Du karma au contrat d'âme par D. MeuroisLa science et la vie après la mort - vidéo »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks

    Tags Tags :