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Pouvons-nous tous devenir médiums ?
par Aurore Aimelet | janvier 2013
Pouvons-nous tous devenir médiums ?
Y a-t-il une vie après la mort ? Oui, répondent ceux qui disent communiquer avec l’âme des défunts. Mais qui sont vraiment ces intermédiaires ? Serions-nous tous capables d’hypersensorialité ?
Pierre et Marie Curie, Alexandre Dumas, Victor Hugo… Autant d’esprits éclairés qui avaient pour la parapsychologie et les expériences paranormales une vive curiosité. Ces phénomènes passionnent parce qu’ils bouleversent notre existence en lui donnant un sens différent et en offrant un autre regard sur la psyché humaine. La psychanalyste Djohar Si Ahmed, auteure de Comment penser le paranormal, psychanalyse des champs limites de la psyché (L’Harmattan, 2006) et cofondatrice de l’Institut des champs limites de la psyché (iclppsy.fr), rappelle également l’intérêt de Freud pour la télépathie, cet aspect de la vie psychique qui permettrait le contact d’une conscience à une autre. Mais rien à voir, cependant, avec la médiumnité, comme elle n’aurait rien à voir avec la voyance ou toute autre forme de mancie : certains pourraient « vraiment » parler aux morts.
Des flashs, des vibrations, des odeurs…
« Le contact médiumnique est une communication sensorielle, explique Olivier Chambon, psychiatre. Les médiums auraient un contact auditif – ils entendent une voix, des ambiances sonores –, tactile – ils sentent une présence, des vibrations, un courant d’air –, visuel – ils voient des flashs, des images fixes, des microfilms – ou encore olfactif – ils sont envahis par l’odeur d’une eau de toilette, de tabac, de sous-bois… » Parfois, le défunt se mettrait dans la peau du médium, le faisant écrire ou parler à sa place pour délivrer son message. Et, désormais, il utiliserait les moyens modernes comme un ordinateur ou un magnétophone, ce que l’on appelle la transcommunication instrumentale. Serions-nous tous capables de communiquer avec nos morts?
Stéphane Allix, fondateur de l’Institut de recherche sur les expériences extraordinaires (Inrees), reçoit de nombreux courriers faisant état de contacts dits spontanés : « Des parents m’écrivent au sujet de “l’ami imaginaire” de leur enfant. D’autres voient ou entendent l’un de leurs proches décédés. C’est fréquent à l’approche de la mort notamment, ou suite à un choc émotionnel. » Et cela alors même qu’ils ne s’y attendent pas. Ce qui laisse à penserque nous pourrions tous travailler ce potentiel surnaturel, ces perceptions extra ou hypersensorielles. « L’état modifié de conscience est une propriété de la psyché humaine, poursuit Djohar Si Ahmed. Cet état peut être obtenu spontanément, comme ce serait le cas pour les médiums qui ont ce don depuis l’enfance ; mais aussi grâce à un entraînement à des pratiques spécifiques – hypnose, EMDR, hyperventilation, méditation, etc. – ou, à l’instar d’autres cultures, par l’ingestion de substances psychédéliques – ayahuasca par exemple. » La psychanalyste insiste cependant sur le fait que ces expériences perturbantes doivent toujours être accompagnées.
Que dit la science ?
Si nous pouvons tous peindre ou jouer d’un instrument, nous ne deviendrons pas tous Van Gogh ou Mozart. De même pour la médiumnité. En cause, nos résistances au paranormal. « Notre éducation rationnelle et matérialiste ne nous incite pas à écouter ce type de ressentis, observe Olivier Chambon. Nos fantasmes, nos peurs et nos croyances finissent par nous convaincre que tout cela n’existe pas. » C’est évidemment la question centrale : la communication médiumnique est-elle réelle ? Ou s’agit-il d’une supercherie ? Dans l’enquête qu’ils consacrent au phénomène, Médiums, d’un monde à l’autre, Denise Gilliand et Alain Maillard rappellent que des chercheurs américains (travaux menés notamment par les chercheurs Julie Beischel ou Gary Schwartz) ont testé « les médiums et leur capacité à transmettre des informations exactes, suffisamment justes et précises, sur des personnes décédées ».
Le protocole était très strict, et les résultats ont exclu toute autre explication telle que le hasard, la triche, la télépathie ou la lecture froide – où le médium avance une hypothèse, puis la module en fonction de la réaction du consultant. Mais, si les données obtenues vont bien dans le sens d’une survie de la conscience, elles ne prouvent toujours pas scientifiquement que certains puissent communiquer avec ces consciences…
Quid, alors, de ces contacts spontanés que vous et moi pourrions vivre un jour ? Pourraient-ils être le fruit de notre imagination ? Pour Olivier Chambon, « il y a trop de facteurs communs dans les témoignages pour qu’ils soient de l’ordre de la projection, du fantasme ou de l’hallucination ». Dans les maisons de retraite, où lesdits témoignages sont nombreux, les médecins n’ont pas été à même d’éclairer le phénomène en mettant en cause telle médication ou telle dégénérescence du cerveau à l’approche de la mort. Les résultats obtenus par ceux et celles qui s’intéressent à la médiumnité ne peuvent s’expliquer que par un contact entre un individu et un défunt. « Ce qui n’exclut pas que certains racontent n’importe quoi ! » prévient Stéphane Allix. C’est là la limite, voire le danger, que sous-tend la médiumnité. La vigilance s’impose. Les personnes fragiles ne sont pas à l’abri d’un charlatan, et les personnes endeuillées peuvent tomber dans une forme de dépendance en voulant compenser la perte d’un être cher par une relation éternelle. D’après les spécialistes, les bons médiums sont ceux qui conservent une posture bienveillante. Une posture que nous aussi, peut-être, devrions développer vis-à-vis de ceux qui se disent intermédiaires. Quoique, nous souffle notre esprit cartésien…
Témoignages : ils sont médiums
Patricia, 54 ans
J’ai intégré l’irrationnel à mon quotidien« Une nuit, j’entends une voix très claire : “Lève-toi, prends un papier et écris.” Effrayée, je m’exécute pourtant. Ma main part à toute vitesse, ce n’est pas mon écriture, les mots se touchent. Puis je déchiffre : “À partir de maintenant, tu es en contact avec l’autre dimension. Tu ne le feras pas quand tu voudras, mais quand cela sera nécessaire.” C’est ainsi que tout a commencé, peu de temps après la naissance de mon fils, un enfant que, à 38 ans, je n’espérais plus. J’ai cru devenir folle, schizophrène. Ou qu’un baby blues me faisait perdre la tête. Pour le psychiatre que j’ai alors consulté, ce n’était pas “de [son] ressort!” Que faire ? Redevenir comme avant ou aller vers cet inconnu ? C’est compliqué d’accepter ce type de possibilités… On a peur de ne pas être compris. Je suis quelqu’un de rationnel et j’accueille encore ces messages avec grande prudence. Mais, petit à petit, j’ai appris à intégrer l’irrationnel à mon quotidien. J’ai essayé de mieux le saisir, de mieux le connaître, j’ai également développé d’autres capacités, comme le magnétisme. Mais j’ai tenu à rester dans le “monde des vivants” ! Je suis une journaliste, une mère, une épouse, une amie… On ne peut pas vivre avec les morts tout le temps ! Et puis, ils n’ont pas grand-chose à dire, leur message varie peu : “Je vais bien et je t’aime.” Aujourd’hui, c’est la psychométrie qui me passionne : je collabore avec des archéologues et “capte” l’histoire d’un objet, les secrets d’un ossement. C’est toute une vie qui se reconstruit. Comme la mienne depuis cette fameuse nuit… »
Patricia Darré est l’auteure d’Un souffle vers l’éternité (Michel Lafon, 2012).
Henry, 51 ans
La médiumnité n’est pas un coup de téléphone!« J’étais costumier et j’adorais mon métier. Mais, un jour, à l’âge de 27 ans, je n’ai plus eu le choix : l’un de mes “guides” m’a ordonné de mettre au service des autres ce don particulier, sous peine de couper toute possibilité de communication ! Et je ne voulais pas perdre ce lien. Il faisait partie de moi depuis l’enfance, depuis cette nuit où, du fond de mon lit, j’avais eu cette première vision très claire d’un pendu. Peu après, ma famille apprenait qu’un homme avait bien mis fin à ses jours, à l’endroit même où il m’était apparu. Je suis devenu médium parce que c’était ma mission. Depuis, je donne des conférences, j’organise des séances de médiumnité en public, et je reçois en privé ceux et celles qui le souhaitent. À partir d’une photographie, je tente d’établir un contact avec le défunt. J’attends toujours des signes de reconnaissance, je vérifie avec le consultant qu’il s’agit de la bonne personne avant de délivrer son message. Parfois, c’est un échec. La médiumnité n’est pas un coup de téléphone ! Cette vie m’a permis de faire des rencontres humaines passionnantes. Bien sûr, il y a la fatigue psychique et physique, la distorsion avec certaines réalités – je suis incapable de m’atteler aux tâches administratives –, et des contacts éprouvants avec quelques “entités”. Moi, je ne sais pas ce que c’est, mais je sais que cela existe ! Sans pour autant faire de prosélytisme : chacun doit conserver son libre arbitre. »
Henry Vignaud est l’auteur d’En contact avec l’invisible, témoignage d’un médium sur l’au-delà (Inrees/InterÉditions, 2011).
Soraya, 53 ans
Je ne suis qu’un canal« Je travaille dans un service de communication… pour une compagnie aérienne ! Et je “perçois des choses” depuis toujours. Enfant, je faisais des rêves prémonitoires. Ma mère étant très à l’écoute, cette aptitude particulière ne m’a jamais effrayée. Ensuite, j’ai fait ma vie sans me préoccuper de l’au-delà, mais les rencontres ont fait le reste. Avec Stéphane, d’abord, quand nous avions 20 ans. Il est magnétiseur. Puis avec des scientifiques, avec d’autres médiums, avec des lamas en Inde. Et finalement la rencontre avec mon “guide” dans l’au-delà, celui qui me permet de voir de l’autre côté du voile. J’avais 35 ans. Depuis, j’ai cette possibilité de communiquer avec les disparus. Je me concentre, je contacte mon guide puis je laisse venir à moi les images, les sons, les parfums, toutes les informations que je reçois et que je restitue ensuite. Je ne suis qu’un canal. Avec mon mari, nous sommes complémentaires et “travaillons” ensemble. Il nous est arrivé de faire équipe avec la police (1). Si j’ai attendu si longtemps avant de me mettre réellement au service de ce don, c’était pour avoir la certitude que ce que je faisais n’était pas mal. Aujourd’hui, je le vis de façon très naturelle. Une anecdote qui m’amuse : parfois, les envies des défunts restent un long moment en moi. Pendant quelques jours, j’ai envie de fraises ou de chocolat. Ou même de whisky ! »
1. Cette information nous a été confirmée par un responsable de la police judiciaire de Paris : « Les collaborations entre policiers et médiums sont encore taboues, donc officieuses. Mais il est vrai que nous faisons parfois appel à ce don pour confirmer des éléments d’enquête. »
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